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  • Photo du rédacteurKatia H

Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon ou quand Katia s'attaque au Goncourt 2019

C'est avec un sentiment de plénitude que j'ai achevé, il y a quelques nuits, la lecture de ce petit roman de 256 pages. S'il n'avait pas reçu le prix Goncourt à l'automne dernier, jamais il ne serait arrivé entre mes mains. Les livres recevant des prix prestigieux comme ce fameux prix Goncourt me font en général peur. Comme un a priori de me retrouver dans un univers intello et inaccessible. J'avais pourtant déjà été fortement surprise par l'excellent "Chanson douce" de Leïla Sliman i, sorti en 2016 et qui m'avait réellement scotchée.


Le Goncourt 2019 m'a fait un drôle d'effet...

D'abord celui d'avoir un titre si long que l'on pourrait si perdre.

Pourtant ces douze mots n'ont cessé de m'appeler, de toucher mon âme par l'infinité des possibles. Des milliers d'histoires auraient pu être contées et pourtant, celle qui le fut ici n'est pas la plus belle, ni la plus brillante.

C'est juste l'histoire d'un homme simple, un homme discret, un homme serviable, un homme généreux...Paul. Qu'a-t-il bien pu arriver à cet homme pour qu'il se retrouve à purger une peine de deux ans dans une prison canadienne?


Ensuite, ce roman n'a cessé de m'appeler, de m'inviter à l'ouvrir, à déguster les si beaux mots de Jean-Paul Dubois, à savourer ses constructions de phrases si bien tournées et si accessibles. L'ensemble donne au récit et surtout à Paul une profondeur, une vérité. J'ai fortement ressenti un énorme décalage entre ce simple concierge, ancien ouvrier dans la construction et ce narrateur qui est si cultivé, si au-dessus de la masse, tellement à l'opposé de ce que notre société estampille "dans la norme". Il y en a tellement finalement autour de nous des "Paul"...Ils font tout pour ne pas être vus. Ils font tout pour se perdre dans la masse. Ils sont beaucoup à s'y perdre...


Enfin, les différents personnages sont tellement bien décrits. Je me suis sentie tellement en phase en certains, moins avec d'autres. Cependant, même Horton, le compagnon de cellule condamné pour meurtre est attachant. Un fort à bras au talon d'Achille. Un fier qui hurle la nuit car il a une souris sur sa couverture. Paul décrit ses compagnons de route sans les enfoncer. Il est d'une patience et d'une tolérance que peu de nos contemporains ont. Une sensibilité mal vues de nos jours et pourtant tellement indispensable pour créer un monde complet où chaque forme d'intelligence, chaque personne dans sa spécificité à son rôle à jouer, sa place à prendre.


D'abord, vis à vis de sa mère qui ne vit que pour sa passion, son vrai bébé: un cinéma de quartier d'art et d'essai. Une mère qui délaisse son foyer pour se consacrer exclusivement à faire tourner son temple du septième art. Paul ne lui en veut pas. Il accepte les choses telles qu'elles sont.

Il est plus proche de son père, exemple de piété mais aussi de doutes, qui se consacre à un autre temple, une église protestante. Un homme voué à se donner aux autres sans se rendre compte que lui aussi à besoin de recevoir. Un homme qui a des valeurs à l'opposé de son épouse et qui partira prêcher au Canada. Un homme qui se perdra à force de s'oublier, d'oublier ses besoins, d'oublier qu'il n'est pas juste un prêtre.


Puis, il y a Wynona. Une jeune femme, qui comme lui est entre deux cultures. Une personnalité autonome et lumineuse. Un être à part également qui aura le coeur assez grand pour le prendre tel qu'il est. Elle lui ouvrira son horizon et sera sa fenêtre sur le monde alors qu'il reste enfermé dans l'immeuble à appartements dont il est le concierge: l'Excelsior. Pendant de nombreuses années, Paul n'existe qu'en se donnant corps et âme à cette copropriété d'appartements de luxe, un mastodonte pour richards. Il pense en être le pilier, lui l'humble concierge sans le sous. Lui qui se dévoue corps et âme, comme ses parents avant lui, à maintenir le navire à flots. Il y trouve sa place parmi les riches. Il est l'ami de certains résidents. Il est l'oreille confidente des femmes esseulées. Il est l'homme à tout faire. Il répare les canalisations, colmate les brèches et les cœurs. Cependant, avec le temps, les choses changent. La société évolue, les habitants vieillissent, déménagent ou meurent. Ils sont remplacés par d'autres propriétaires plus jeunes, plus exigeants, moins amicaux.



Il ne faut pas lire ce roman pour y vivre une folle aventure. Il ne faut pas parcourir ce roman à la recherche de sensations fortes. Il faut juste savourer ce partage et se l'approprier pour nous autoriser peut-être à accueillir au creux de nous un peu plus d'humanité. Combien de personnes pouvons-nous sauver juste en choisissant de prôner ce qui fait de nous des humains? Il y a en nous plusieurs masques...Celui que nous portons peut à jamais changer la vie d'autrui...Pensez-y!


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